Sonate Sans Accompagnement (Unaccompanied Sonata & Other Stories)
Même pour ceux qui ont lu des oeuvres aussi différentes que La Stratégie Ender et ses suites, le cycle d’Alvin le Faiseur ou encore Les Maîtres-Chanteurs, c’est encore et toujours aussi surprenant de découvrir à quel point le talent d’Orson Scott Card peut prendre des formes aussi diverses et variées. Avec une constante, comme le souligne Ben Bova dans sa préface : le soin apporté, que ce soit sur 5 ou 50 pages, à la profondeur, à la psychologie et à l’humanité de ses personnages... même les plus inhumains !
Ca commence fort : Fin de Partie n’est ni plus ni moins que la nouvelle qui a servi d’ébauche à La Stratégie Ender (prix Hugo et prix Nebula, quand même ...) ! Et même pour ceux qui ont lu le roman, ce condensé de cet extraordinaire roman s’avère passionnant à lire.
C’est une des nouvelles de "SF pure" que compte ce recueil. Et les autres du même genre sont presque aussi excellentes, ce qui n’est pas peu dire. Retour Aux Sources, sur le thème (plutôt novateur pour pour l’époque) des manipulations génétiques, est un texte assez classique avec un arrière-plan du guerre froide un peu démodé aujourd’hui, mais qui se finit sur une note humoristique et que des spécialistes du genre tels qu’Isaac Asimov et Philip Dick n’auraient sans doute pas renié... On retrouve une certaine légéreté également dans Temps Mort et dans Les Dieux Mortels. Mais Orson Scott Card redevient sérieux avec Un Jardin de Roses, une magnifique fable de SF qui démarre de manière aussi rationnelle que Rendez-Vous Avec Rama d’Arthur Clarke et se termine avec une poésie digne d’une nouvelle de Bradbury.
Mais il n’y a pas que de la SF dans ce recueil. La Salamandre de Porcelaine s’apparente à un conte de fées... Exercices Respiratoires appartient au domaine du fantastique, de même que Les Euménides ou Quietus. Quant à Mets de Roi, c’est tout simplement une des nouvelles les plus horrifiques qu’il m’ait été donné de lire !
On trouve toutefois un suprenant point commun à la plupart des nouvelles composant ce recueil. Plusieurs d’entre elles comportent en effet une certaine dose d’horreur. Pas nécessairement l’horreur sanguinolente telle qu’on peut la trouver chez certains spécialistes du genre comme Koontz ou Masterton mais plutôt une horreur glaçante, un frisson d’épouvante pure face à l’idée même évoquée par l’auteur.
Et ce qui est encore plus étonnant, c’est cette étrange capacité des personnages d’Orson Scott Card à commettre les pires atrocités pour de bonnes raisons... ou du moins pour des motifs qui leur semblent bons, ce qui les rend presque sympathiques !
Le cas d’Ender (qui sera ultérieurement appelé le Xénocide ...) est le plus célèbre, pour avoir anéanti une race extra-terrestre à son insu. Mais le cas des Hectors, cette étonnante entité extra-terrestre responsable de la mort de plusieurs milliards d’humains, est tout aussi surprenant ! Et que penser de ce berger responsable d’un troupeau d’humains, ayant fait le choix de les mutiler pour les sauver ? De ce père ayant maudit sa fille à sa naissance, suite à la mort de sa mère, la condamnant ainsi à une paralysie quasi-totale ? De ce Veilleur chargé de faire appliquer, au besoin par les moyens les plus extrêmes, une loi interdisant à un génie créateur d’exercer son art ?
L’idée de la mort est également très présente. Dans sa postface, Orson Scott Card se définit comme un "optimiste mitigé". Et effectivement, ses nouvelles se terminent généralement sur une note d’espoir. Heureusement, parce que dans le cas contraire...
Mais optimiste ou pessimiste, guerrier ou poétique, horrifiant ou féérique, drôle ou émouvant, le talent qu’il manifeste dans ce recueil est impressionnant et ce dans tous les registres.
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