Princesse Mononoké
Alors que le village d’Ashitaka est attaqué par un démon, celui-ci réussit in extremis à le tuer en se battant vaillamment mais au prix d’une grave blessure : il est maudit et doit quitter au plus vite son village pour tenter de retrouver la source de cet étrange mal qui le ronge. Il est condamné à mourir, le mal prendra bientôt possession de tout son corps, mais il lui reste peut être malgré tout une chance...
Plus loin à l’Ouest des évènements effroyables se déroulent : au cours de son périple il arrive à un village dirigé par Dame Eboshi qui se trouve être une gigantesque forge qui produit des armes à feu... Cette production a créé beaucoup de richesses, qui suscitent beaucoup de convoitises, y compris même de l’empereur, et il y a un autre revers à la médaille : toute la nature environnante est dévastée... les forêts sont coupées, puis pour accéder au minerai, les montagnes sont rasées... à mesure que la forge prospère toute la nature meurt, rendant les esprits et leurs Dieux protecteurs furieux.
La Princesse Mononoké, jeune humaine élevée par les Dieux loups, déteste les humains et veut tuer Dame Eboshi pour protéger la forêt qui l’abrite quoi qu’il arrive...
Même si Ashitaka est un bon guerrier courageux, c’est aussi un jeune garçon posé et réfléchi qui cherche avant tout les compromis et les négociations. Il va essayer d’empêcher les massacres en parlant aux différentes forces en présence, mais il est dur de se faire entendre en tant qu’homme de raison au milieu de personnes aveuglées par leurs propres idées... les guerres font rage, une grande et ultime bataille se prépare.
Pour Ashitaka, trouver l’esprit de la forêt ne suffira peut être pas, mais quoi qu’il rencontre sur sa route, la shamane de son village l’a mis en garde, il devra "porter sur le monde un regard sans haine"...
Véritable épopée à l’ambiance totalement héroïc fantaisy dans un Japon médiéval, avec des samuraïs, des Dieux, des êtres merveilleux, des esprits de la nature, des démons, le mélange est vraiment prenant ! tous les aspects d’une bonne heroïc fantaisy sont réunis : un prince plein d’honneur et de courage, une malédiction, puis une quête qui va amener le héros dans des contrées inconnues où il rencontre une jolie princesse ainsi que d’autres personnages qui deviendront ses "amis"... pas de doute, beaucoup de codes de l’heroïc fantaisy "classique" sont repris !
La nature et le respect des esprits de la nature (ici incarnés en animaux géants) sont omniprésents dans cette oeuvre. En ce sens cette oeuvre baigne dans la culture shintoiste et animiste du Japon... on sent même une forme de nostalgie du temps où le Japon était rural, pas encore industrialisé et urbanisé, où les forces de la nature avaient une place prépondérante dans la vie (et surtout la survie) du peuple, et à ce titre elles étaient respectées et même vénérées... une part importante de cette mise en valeur passe par tous les dessins de Miyazaki, autant les paysages que les animaux et les rapports de l’homme face à son environnement, c’est un thème qui lui est cher (comme dans Mon voisin Totoro par exemple), il veut émerveiller par ses paysages.
Princesse Mononoké est une oeuvre importante dans la carrière de Miyazaki... on reconnait son dessin, sa personnalité, mais on voit qu’il y a en plus quelque chose de plus profond, de plus grave dans cette animation ; mais paradoxalement si le résultat est empreint de gravité et de tristesse on y retrouve aussi beaucoup de bonté et d’optimisme même...
Rarement dans une oeuvre animée de fiction, nécessairement limitée et réductrice, on assiste à une telle immersion dans la psychologie des personnages. Ce qui est triste au fond, derrière ces batailles, chacun restant derrière sa logique, on voit bien toute l’impasse et l’escalade que Miyazaki a voulu décrire (malheureusement encore trop d’actualité)... un peu comme si l’homme, au jour le jour, englué dans ses problèmes de sa petite vie -ou survie-, n’était pas capable d’avoir une vision à long terme sur tout le grand monde qui l’entoure...
Un point important sur un tel sujet de base était le risque de tomber dans un simple manichéisme qui se serait contenté de jeter la pierre aux hommes, en critiquant leur nature et leur mode de vie tout en mettant en valeur la nature par une opposition simple (simpliste). Miyazaki réussit à éviter ce piège en apportant toutes les nuances là où elles doivent l’être.
Il serait bien réducteur de voir en Princesse Mononoké une simple fable "bobo-écolo" avec la fleur aux dents et un pois chiche dans la tête... en effet tout n’est pas noir ou blanc : avant cette forge d’armes, la survie était extrêmement dure, les femmes étaient exploitées en maisons closes, les maladies et la pauvreté frappaient les hommes, on devine toutes les différentes difficultés sous-jacentes... On devine d’ailleurs aussi que Dame Eboshi a acquis toute cette force au prix de beaucoup de luttes pour sa simple survie.
La production d’armes a permis à la population de se protéger, de s’enrichir par le commerce et donc surtout d’améliorer un peu leurs conditions de vie, tout simplement... il n’y a pas vraiment de "méchant" dans cette oeuvre, au sens classique du terme. Juste des personnages qui sont mus par leurs intérêts, parfois un peu égoïstes mais qu’on devine louables pour la plupart. Dame Eboshi veut tuer les esprits et raser les forêts, pas par méchanceté, cupidité ou mégalomanie, juste, dans son esprit, pour assurer le bien du plus grand nombre des siens, juste pour s’assurer une survie un peu meilleure dans les jours, les mois, les années qui viennent, peut être au maximum une petite forme de plus grande prospérité... Sans vraiment se soucier des guerres faites avec sa production d’armes, elle mène la guerre, défend et dirige son village d’une main ferme et impitoyable (mais juste), en réalité, les questions qu’elle se pose sont bonnes, mais à l’évidence les réponses qu’elle y apporte sont faussées par le prisme de ses expériences passées.
Dans ce manga, Miyazaki met vraiment en valeur ses personnages féminins, bien sûr Dame Eboshi que je viens d’évoquer ci-dessus, mais il y a aussi ces anciennes prostituées qui se battent comme des hommes (voire mieux, beaucoup plus courageuses), puis bien sûr à travers la Princesse Mononoké, à la fois sauvage et déterminée, il s’agit véritablement d’une succession de femmes fortes... seul Ashitaka apporte une représentation masculine "correcte" (un rare personnage masculin qui soit mu par des "idées nobles").
D’ailleurs cette blessure étrange dont est victime Ashitaka au début, vue comme une "maladie contagieuse" qui prendrait possession du corps tout entier et même de l’esprit de ses victimes, n’est ce pas plutôt pour Miyazaki une manière habile de faire une métaphore sur la guerre avec ses violences, qui appellent la vengeance, qui amène la haine qui se répand dans l’esprit des personnes et conduit pour finir à la folie ? En tous cas, c’est cohérent avec les explications de la fin de l’animé !
Ce manga contenant pas mal de scènes de violence est à réserver à un public adulte (du moins à déconseiller aux plus petits), il s’agit d’une oeuvre plus mature de Miyazaki, rien à voir avec le Voyage de Chihiro.
Si vous êtes fan d’héroïc fantaisy et que vous en avez assez d’avoir vu pour la 275 ème fois le cultissime Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, pourquoi ne pas visionner cette oeuvre ?
Ce manga est peut être une forme d’avertissement au genre humain, du moins c’est une des leçons que l’on peut en tirer... j’espère que les générations futures, dans 50 ou 100 ans lorsqu’elles regarderont cette oeuvre, pourront s’en amuser ; Mais malheureusement ce n’est pas gagné que ça les fasse vraiment beaucoup rire...
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