Apportez-moi la tête du Prince Charmant (Bring me the Head of Prince Charming)
A chacun sa spécialité ... Zelazny a souvent montré dans ses romans un grand intérêt pour différentes mythologies (Seigneur de Lumière en étant le meilleur exemple). Quant à Robert Sheckley, on connaît son goût prononcé pour l’humour absurde, les situations et les dialogues qui en découlent. Il n’est donc pas étonnant qu’à eux deux, ils aient décidé de s’attaquer aux démons, aux anges et aux contes de fées !
Azzie (un diminutif d’Azazel ?) est un démon de seconde zone assigné à des corvées peu glorieuses aux enfers. Mais il va trouver un moyen de revenir sur Terre ... juste avant le grand concours du Millénaire. Il s’agit d’une joute pacifique opposant le Bien au Mal afin de déterminer lequel des deux aura la prépondérance sur le destin de l’humanité pour les 1000 ans à venir.
Pendant que les forces du Bien se lancent dans la construction d’une formidable cathédrale gothique, Azzie décide de créer un spectacle d’un genre assez particulier, une nouvelle version de la Belle au Bois Dormant...
Pour cela, il lui faut tout d’abord donner naissance à ses deux personnages principaux. A la façon d’un docteur Frankenstein, il va récupérer des morceaux de cadavres afin de créer la belle en question ainsi que son inévitable prince charmant.
Malheureusement, en dépit d’une carte de crédit démoniaque illimitée, il va se heurter à la bureaucratie de l’enfer (l’enfer de la bureaucratie existe aussi, mais on s’écarterait du sujet de cet article...) et va devoir se contenter d’un prince charmant au rabais, équipé d’une épée modérément magique...
Disons le franchement : ce roman ne restera probablement pas gravé dans votre mémoire. Il est plutôt bien écrit, assez original et imaginatif et agréable à lire... mais ça ne va guère plus loin. C’est un peu l’équivalent littéraire d’un film des frères Zucker (les fameuses parodies en tous genres)... On y trouve quelques passages assez savoureux, tels que celui-ci (alors qu’Azzie essayait d’invoquer un esprit :
"- Tu n’es Ylith, n’est-ce pas ? s’étonna Azzie.
Je suis Mylith, répliqua la sorcière
Je suis absolument navré. J’essayais d’invoquer Ylith d’Athènes. Le Central des Esprits a dû mal comprendre.
Mylith renifla avec mépris, effaça un des caractères hébraïques d’Azzie et le remplaça par un autre.
Tu t’es trompé d’indicatif. Maintenant, si c’est tout ce que tu veux ...
Je me ferai un plaisir de te réinvoquer jusque chez toi.
Merci, je m’en charge. va savoir où ton charme me ferait aterrir !"
Ou encore :
"- Tu es un ver ?
Exact. Et toi, tu es bien un démon ?
En effet. Si tu veux bien m’aider, je te proposerai un marché que tu ne pourras pas refuser.
Je t’écoute.
Si tu m’aides à sortir d’ici, je te ferai roi des vers.
A vrai dire, les vers n’ont pas de roi. Nous avons des chefs de district et un grand conseil.
Je te nommerai président de ce conseil.
Pour être éligible, il faudrait d’abord que je devienne chef de district".
Mais au mieux, c’est drôle sans être tordant, avec un côté bon enfant qui donne parfois l’impression que son association avec Zelazny a quelque peu aseptisé l’humour parfois mordant de Sheckley (même si cette association amène sans doute à l’intrigue une progression plus réfléchie et mieux maîtrisée). Un véritable massacre des conventions liées aux contes de fées aurait sans doute été plus réjouissant... mais les deux auteurs ont préféré rester dans un style plus politiquement correct.
Ca se lit bien, voire très bien sous réserve d’avoir pris au préalable la décision de laisser ses neurones au repos... mais on attendra quand même quelques mois, voire quelques années, avant de lire la suite (Le Démon de la Farce) !
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