Aujourd’hui Nous Changeons de Visage (Today We Choose Faces)
Le point fort de son roman, ce sont avant tout ses idées, novatrices à l’époque et étonnantes aujourd’hui encore. Il y aurait de quoi, pour un écrivain "normal", écrire deux ou trois romans. Mais ce foisonnement d’idées est également son point faible. Relier entre elles toutes ces idées et les condenser en une intrigue cohérente en moins de 200 pages relevait de la gageure. Un pari impossible à relever, même pour Roger Zelazny....
Dans un lointain avenir, l’homme est parvenu à conquérir l’espace et toutes les technologies qui vont avec ... L’espèce humaine a également failli réussir à s’auto-détruire (à cause d’une guerre, apparemment). Les rares survivants se sont regroupés au sein de la Maison, un univers clos dont plus personne n’est sorti depuis très longtemps et dont les différentes Ailes sont situées sur d’autres planètes, la téléportation étant devenu d’un usage courant.
Cette Maison est gouvernée par un groupe secret, constitué de clones et se sont donnés le nom de Famille, survivance de la Mafia du XXème siècle dont ils semblent vaguement issus. Désormais, leur objectif est de transformer l’humanité, en la maintenant unie au sein de la Maison jusqu’à ce que les instincts meurtriers de l’homme et son agressivité ne soient plus qu’un lointain souvenir. Eux mêmes, d’ailleurs, n’ont plus rien à voir avec leurs "ancêtres" ...
Ces clones ont un chef, le Relais, le plus âgé d’entre eux qui abrite dans son esprit les souvenirs, les connaissances et l’expérience de ses 7 prédecesseurs. Car à chaque fois qu’un Relais meurt, son esprit fusionne avec celui des autres clones et le nouveau Relais stocke sa "mémoire" sous forme de fiche insérée dans une console... jusqu’au jour où un mystérieux individu du nom de Mr Black entreprend d’assassiner les clones les uns après les autres. Pour lutter contre lui, la seule solution est de retirer les fiches les plus récentes, pour laisser la place aux souvenirs des clones les plus anciens, ceux dont l’agressivité et l’instinct de survie étaient les plus développés ...
Difficile à résumer, ce roman l’est malheureusement encore plus à lire ! Car Zelazny ne s’est pas contenté d’accumuler les idées les plus délirantes, il s’est également ingénié à brouiller les pistes, notamment avec un début de roman incompréhensible, qui est nécessaire de relire une fois la lecture achevée, si on souhaite le comprendre réellement.
Malheureusement, il n’est pas évident qu’un lecteur normalement constitué ait le courage d’aller jusqu’à la fin du roman... alors le reprendre du début, probablement encore moins !
C’est dommage, car on y retrouvait certain des thèmes chers à l’écrivain, en particulier celui de l’immortalité, ici sous la forme d’un esprit transféré de clone en clone)... et d’autant plus que certaines des idées développées dans le roman sont fascinantes, du moins si on les considère isolément. Mais tout cela est noyé dans un tel fouilli que l’intérêt du lecteur peine à décoller et qu’on ne croit pas un seul instant à ces aventures tirées par les cheveux vécues par une bande de clones mafieux dont les esprits ne cessent de fusionner et s’entretuant au sein d’une maison s’étendant sur plusieurs planètes !
Ce n’est pas parce qu’on écrit de la SF qu’il faut se croire tout permis, même et surtout quand on s’appelle Zelazny ...