La Stratégie Ender (Ender’s Game)
Depuis l’attaque des doryphores, une race extra-terrestre qui a bien failli coloniser la Terre, les humains vivent dans l’angoisse de leur retour. L’effort militaire est à son maximum, mais même ainsi, il faudra un miracle pour venir à bout d’un ennemi supérieur en nombre et en technologie. Et ce miracle, en désespoir de cause, on le cherche parmi les enfants, en espérant trouver le génial stratège qui, seul, parviendra à trouver un moyen de gagner une guerre perdue d’avance. Ender est l’un d’eux. Il est le troisième enfant d’une famille ayant déjà produit deux surdoués. Mais son frère était trop violent et sa soeur trop gentille... Pour le colonel Graff, Ender est celui dont la Terre a besoin. Pour le former, il va le soumettre à un programme d’entraînement intensif, presque surhumain. Et Ender va franchir tous les obstacles, toutes les épreuves, à un rythme incroyable. Mais il finira par se rendre compte que lui aussi est manipulé...
La Stratégie Ender a d’abord été en 1977 une longue nouvelle d’Orson Scott Card... qui a connu un tel succès que ses fans ont convaincu l’écrivain d’en faire un roman en 1985. Et bien lui en a pris car il a remporté les Prix Hugo et Nebula (les deux principaux prix concernant la littérature de SF, ce qui est exceptionnel, mais largement mérité) !
Voilà donc près de 30 ans que des millions de lecteurs attendaient de voir ce condensé d’action et d’intelligence transposés au cinéma. Mais le problème est toujours le même, s’agissant d’oeuvres cultes : comment faire pour être à la hauteur du roman, pour satisfaire ceux qui l’ont lu et relu... mais aussi ceux qui ne l’ont jamais lu ! Pour Dune, on n’a jamais trouvé la solution et en dépit de nombreux projets, la seule adaptation cinématographique à ce jour (et qui commence à dater un peu) est loin de faire l’unanimité...
Gavin Hood, réalisateur peu connu, à part pour son Wolverine (assez controversé d’ailleurs) de 2009, a fait le pari de la fidélité. Son scénario ne dévie en effet quasiment pas du roman. Il en a gardé tout ce qui faisait son intérêt et n’en a occulté aucun aspect*, y compris les plus philosophiques.
Car La Stratégie Ender n’est pas ce qu’elle semble être. De ce point de vue là, le roman (comme le film) en rappellent un autre, le fameux (et très décrié) Starship Troopers de Paul Verhoeven, tiré du roman (lui aussi très décrié) de Robert Heinlein.
Très "militariste" en apparence, la majeure partie du film se concentre sur la formation qui doit faire du jeune prodige le futur commandant en chef de la flotte terrienne... une formation militaire comme on en a tant vu dans de nombreux films de guerre, diront certains.
La différence, c’est que c’est l’intelligence d’Ender qui fait toujours la différence, dans toutes les situations - et elles sont nombreuses - qu’il est amené à affronter. Et surtout l’armée, même victorieuse, ne sort pas vraiment grandie du film. Car La Stratégie Ender est avant tout une réflexion sur ce qui conduit à la guerre - la peur de l’autre, de l’inconnu, et l’incompréhension qui va avec-, et sur ce qui pourrait permettre de l’éviter, pour peu qu’on veuille bien s’en donner la peine. La phrase qui ouvre le film, attribué à Ender, résume bien son ambigüité : "pour vaincre un ennemi, j’ai besoin de le comprendre. Et lorsque je le comprends, je l’aime".
Il n’est pas certain que ce genre de considération philosophique fasse de La Stratégie Ender un succès, d’autant que les scènes d’action sont peu conventionnelles. Les affrontements par équipe en salle de combat en apesanteur, qui constituaient un des attraits du roman, ne sont pas très bien rendues, un peu trop confuses. Et surtout, il y en a trop peu**, beaucoup moins que dans le roman, ce qui ne permettra sans doute pas à ceux ne l’ayant pas lu, de comprendre les subtilités des stratégies d’Ender ! Quant au combat final, il est tout à fait fidèle au roman (dans lequel il était question d’une multitude de points rouges et bleus)... mais là aussi, cela risque de s’avérer perturbant pour un public habitué à des combats spatiaux plus traditionnels.
Mais que le film soit un succès ou pas importe peu. Il nous aura donné le plaisir de retrouver Harrison Ford dans l’espace et surtout, surtout, c’est une adaptation fidèle et réussie d’un des plus grands romans de SF de tous les temps. Du grand spectacle (on parle quand même d’un blockbuster à 110 millions de dollars), spectaculaire et intelligent, qui fait passer un message qui n’a rien à voir avec les standards hollywoodiens. Bravo à Gavin Hood pour cela.
* sauf les agissements de Peter et Valentine sue Terre pour manipuler l’opinion publique
** il aurait fallu 15 ou 20 minutes de plus... espérons qu’il existe une version longue !
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