Les Aventures Secrètes de Tom Pouce
Ce moyen-métrage de l’anglais David Borthwick n’est pas fait pour être regardé en famille un soir au coin du feu. Malgré son titre évoquant les célèbres contes folkloriques, on est bien loin de la fable enfantine. Tom Pouce c’est plutôt la rencontre improbable entre le « bébé-fœtus » d’ "Eraserhead" de David Lynch et l’extraterrestre E.T. de Spielberg, dans une atmosphère digne d’un roman de Kafka.
Dans un monde hors du temps, Tom, un petit garçon aux immenses yeux bleus, vit heureux entouré de l’amour de ses parents. Mais Tom Pouce est en fait une aberration génétique : il a la taille d’une poupée.
Ses parents, un couple à l’aspect malsain, vivant dans les bas-fonds d’une ville sombre, aux ruelles obscures rappelant le Londres de l’ère Victorienne, ont pourtant décidé de le garder.
Habillé d’une salopette de poupée, le vulnérable Tom Pouce vit paisiblement avec ses parents et tous les insectes grouillants dans l’appartement insalubre.
Mais un jour des individus mystérieux kidnappent le petit Tom et l’enferment dans un laboratoire de génétique. Ils lui font subir diverses expériences, ainsi qu’à d’autres créatures étranges. Tom Pouce réussit à s’évader du laboratoire, puis se retrouve dans des marais où il fait la connaissance d’un peuple d’humains aussi minuscules que lui et vivant comme à l’époque féodale. Tom Pouce, aidé de Jack le tueur de Géants, décide de retrouver ses parents.
Tous les deux se préparent alors pour un long et périlleux voyage afin de retourner dans la ville des Géants, bien décidés à se venger.
La mère de Tom Pouce a été tuée par les agents gouvernementaux qui avaient enlevé le petit être. Son père, inconsolable, noie son désespoir dans un tripot. Alors que Tom Pouce et son ami retrouvent les traces de son père, une bagarre éclate entre un ivrogne et celui-ci. Le père meurt sous les coups et sous le regard incrédule de Tom Pouce.
Perdus et seuls dans la ville ténébreuse, les deux petits êtres décident de retourner dans le laboratoire. Découvrant la chambre secrète où les agents gouvernementaux expérimentent une arme secrète, Jack décide de libérer toute l’énergie qui y est contenue, sous le regard désabusé et complice de Tom Pouce.
Dans une lumière aveuglante et douce à la fois, Tom Pouce se réveille dans les bras de sa maman, sous le regard protecteur de son papa… mais est-ce vraiment la réalité ?
Les contes et légendes d’autrefois évoquaient souvent les opprimés, la dureté et la cruauté de la vie. C’est pourquoi David Borthwick, très influencé par l’univers du réalisateur tchèque Jan Svankmajer, dont le long-métrage « Alice » 1983, reste sans doute le plus connu de ses réalisations, réalise un court-métrage pour la BBC, rappelant ces fables noires. Mais la chaine refuse le travail du réalisateur britannique, trouvant le sujet trop sordide pour sa programmation de fêtes de fin d’année.
Découvert ensuite dans de nombreux festivals, le court-métrage devient un projet d’envergure pour le petit studio de David Borthwick, « bolexbrothers » et grâce aussi au soutien de Manga Entertainment, de la Sept TV en France mais aussi du bassiste de Led Zeppelin, John Paul Jones !
C’est un monde apocalyptique qui voit naître le petit Tom Pouce. Les humains à l’aspect patibulaire vivent dans une ville délabrée, aux ruelles étroites et sombres. Les maisons sont humides et les recoins noirs grouillent de mouches, araignées et divers autres insectes.
Il n’y a aucun dialogue, juste quelques grognements et gémissements, mais aussi beaucoup de regards inquiets faisant office d’échanges entre les êtres humains et les créatures. Cette atmosphère cauchemardesque et oppressante a été possible grâce à une idée originale et au talent de David Borthwick : combiner dans une même scène la technique dite de « Stop-Motion » (technique photographique permettant de créer un mouvement à partir d’objets immobiles) et la technique dite de « Pixilation » (des acteurs réels ou des objets sont filmés image par image).
Ainsi acteurs réels et créatures animés évoluent ensemble dans la même scène, renforçant l’impression d’un monde entre cauchemar et réalité. Les déplacements particuliers des acteurs (dus à la technique utilisée), les mouches et autres insectes évoluant autour d’eux (voir sur eux), accentuent un malaise constant chez le spectateur : cette impression de voir ses pires cauchemars prendre vie devant soi dans une réalité « ralentie ».
Impressionnant !
De nombreux prix ont été décernés aux « Aventures Secrètes de Tom pouce » dont celui du meilleur réalisateur au Festival de Cinéma fantastique de Sitges en 1993.
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La qualité du travail de l’anglais David Borthwick et ses techniques innovantes ont influencé nombre de réalisateurs tel que Jean-Pierre Jeunet.