Hardware
Dans les souvenirs du docteur, Hardware pouvait se résumer à une jaquette VHS, synonyme de ses errements adolescents dans les rangées des vidéos clubs à l’orée des années 90 (1) : un crâne cybernétique menaçant flanqué de la bannière étoilée et ce ciel rougeoyant irradiant un monde post-apocalyptique. Auréolée de la mention "Prix des effets spéciaux" à l’époque où le festival d’Avoriaz faisait briller les yeux des jeunes amateurs de fantastique, il aura pourtant fallu attendre deux décennies au préposé avant de se jeter à l’eau...
XXIème siècle, la surface de la Terre n’est plus qu’un immense désert au niveau de radioactivité mortellement dangereux. Les humains sont entassés dans des bidonvilles, où le chômage et la violence sont le lot quotidien des survivants. Seule porte de sortie offerte par le gouvernement en place : suivre la campagne de la stérilisation de rigueur. Dans ce monde « propice et fécond », Moses "Hard Mo" Baxter (Dylan McDermott), soldat en permission, achète à un nomade les restes d’un robot trouvé dans la zone interdite, pièces détachées robotiques faisant office de cadeau de noël pour sa petite amie Jill (Stacey Travis). De cette carcasse cybernétique, la jeune femme en crée une sculpture y incorporant divers éléments récupérés. Cependant, ce qui s’apparentait à un androïde hors d’usage, cache en fait une machine à tuer appelée Mark 13, tel le chapitre 13 de l’évangile du même nom : « nulle chair ne sera épargnée »...
Produit en partie par les frères Weinstein (2), Hardware est inspiré d’une histoire publiée par le comics britannique Shock !. Doté d’un modeste budget (960 000 £), Stanley rend une copie très honorable, voire bluffante. Les effets spéciaux et en particulier le design du robot tueur souffrent assez peu des limites financières de la production. Le cinéaste réussit dans l’ensemble à maintenir une tension palpable, tout du moins jusqu’au dernier tiers du film (la fin étant quelque peu confuse). L’action centrée principalement sur l’appartement de Jill, et la claustrophobie de la situation s’accommodent idéalement avec les conditions de tournage. Le cinéaste, avec peu de moyens, propose ainsi un univers cyberpunk suffisamment crédible, pour peu que l’on s’accommode d’un filtre rouge persistant...
Marqué comme l’indique le nom du droïde, par l’iconographie religieuse (la scène finale de la douche est autant influencé par Psychose que la religion), le film de Richard Stanley n’hésite pas à multiplier les références, au détriment malheureusement d’une certaine cohésion. L’apport du voisin voyeur interprété par William Hootkins apporte finalement peu au métrage, tendant au contraire à disperser la menace cybernétique et à diluer le récit. Mais Hardware apporte néanmoins son petit lot de surprises, une esthétique soignée et en complément, des invités spéciaux en la personne de Carl McCoy de The Fields of Nephilim (3), Lemmy Killmister de Motörhead dans les rôles respectifs du nomade et du chauffeur de taxi, et enfin Iggy Pop prêtant sa voix à l’animateur radio Angry Bob.
Accompagné d’une musique originale de Simon Boswell (qui débuta avec le Phenomena de Dario Argento), Hardware est comme mentionné en préambule connu également pour sa musique additionnelle où se croise deux des guests Iggy Pop ( Cold Metal ) et Lemmy ( Ace of Spades ), le monstrueux Stigmata de Ministry et enfin The Order of Death de PIL. De quoi faire oublier une interprétation et quelques personnages secondaires sans grand relief (Shades/John Lynch au hasard).
Une atmosphère crasseuse, un androïde psychopathe, une photographie sombre et granuleuse, une BO culte, Hardware en dépit de plusieurs défauts marque encore les esprits. Que demandez de plus ? En attendant Dust Devil du même réalisateur deux années plus tard...
(1) Certes, avec Terreur Extraterrestre , cela doit faire deux fois que le docteur vous fait le coup du souvenir de guerre cinéphile...
(2) Le film est par contre distribué par Palace Pictures, société de Stephen Wooley autre producteur exécutif du film, qui collabora de nombreuses fois avec Miramax.
(3) Richard Stanley réalisa à ce titre deux clips pour la formation goth des chansons Preacher Man et Blue Water .
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