Shining ( The Shining )
Jack Torrance aimeait devenir écrivain et pour cela, il accepte un poste de gardien d’un hôtel situé dans le Colorado, fermé et isolé du monde pendant l’hiver. Quelques années avant, un autre gardien était devenu fou et s’était suicidé après avoir assassiné sa femme et ses deux filles... mais même cela ne décide pas Jack à renoncer, qui s’installe avec sa femme Wendy et son fils Danny... Mais rapidement, des phénomènes étranges commencent à se manifester. Danny, qui entretient une relation bizarre avec un ami imaginaire, commence à avoir des visions effrayantes du passé de l’hôtel, comme son père dont la santé mentale se détériore rapidement...
Tout a déjà été dit sur le talent de Kubrick, sa recherche obsessionnelle d’images parfaites et de l’esthétique qui se dégage de tous ses films, de même que de son utilisation de la steadycam, innovation tehcnologique de l’époque, ayant permis de filmer les fameux plans dans lesquels la caméra suit le jeune Danny sur son tricycle dans les couloirs de l’hôtel avec une formidable fluidité...
Ce qui est étonnant, c’est de voir ce que cette dimension esthétique apporte à des films de genres très différents. Kubrick avait déjà réinventé le film de SF avec 2001, influençant toute une génération de réalisateurs. Avec Shining, il montre tout ce que la beauté peut apporter à l’horreur... et réalise un film d’horreur unique en son genre, aujourd’hui reconnu comme un modèle du genre en dépit d’un accueil plutôt réservé de la critique à l’époque de sa sortie, qui avait accusé Kubrick de se compromettre avec le roi du best-seller de l’époque (déjà !), Stephen King.
Il faut pourtant bien avouer que la rencontre de ces deux deux talents a donné un résultat phénoménal, même si King a moyennement apprécié les quelques modifications et ajouts de Kubrick (l’auteur dit avoir beaucoup apprécié le film en tant que spectateur, mais qu’il considère que c’est une adaptation peu fidèle de son roman).
Kubrick a, en fait, retenu du roman tout ce qui pouvait servir son propos et contribuer à mettre le spectateur mal à l’aise et le moins qu’on puisse dire est qu’il a atteint son objectif !
Pourquoi se sent-on mal à l’aise en regardant en regardant Shining ? A l’évidence, pas uniquement parce qu’il s’agit d’un histoire de maison hantée... Parler de maison hantée pour qualifier l’hôtel Overlook serait d’ailleurs sans doute inapproprié. Car si on met de côté ce qu’on sait du roman de Stephen King, ce qui est préférable puisque Kubrick s’en est considérablement écarté, on a parfois du mal à comprendre ce qu’il se passe réellement dans cet immense hôtel vidé de tous ses occupants.
Un des secrets de l’ambiance du film, c’est l’isolement dans un hôtel inoccupé pendant la période hivernale, coupé du monde par la neige. C’est donc d’un huis clos qu’il s’agit, mais un huis clos d’une nature assez particulière du fait de l’immensité du lieu, avec ses couloirs interminables et ses chambres innombrables. Il ne s’agit pas ici de claustrophobie, bien au contraire... c’est le plutôt le côté labyrinthique de l’hôtel qui introduit le malaise, les personnages semblant presque perdus dans ce lieu trop grand pour eux.
Le thème du labyrinthe est d’ailleurs extrêmement présent tout au long du film, ce qui n’est pas un hasard, Kubrick ayant choisi d’ajouter un labyrinthe végétal extérieur qui était absent du roman de Stephen King... un labyrinthe dont on retrouve les motifs jusque sur la moquette de l’hôtel !
Un des autres secrets de l’ambiance du film, c’est que rien de ce qui s’y passe et que personne parmi ceux qui s’y trouve n’est complètement normal ! Il y a bien entendu la fameuse chambre 237, dans laquelle a eu lieu le massacre de la famille ayant précédemment occupé les lieux, mais il y a aussi le jeune fils de la famille, Danny, avec son inquiétant ami invisible ainsi que ses visions d’horreur... le cuisinier qui communique téléphatiquement avec Danny... Jack, l’écrivain sans inspiration, qu’on devine alcoolique et violent, à l’origine de la désagrégation de sa famille (c’était le thème principal du roman de King )... et les visions que chacun d’eux vont avoir. En fait, le seul personnage normal est celui de Wendy, l’épouse de Jack et la mère de Danny, un personnage assez différent de celui du roman mais parfaitement interprété par Shelley Duvall, incroyablement crédible dans ce rôle d’épouse effacée et soumise à un homme violent.
Et évidemment, il y a Jack Nicholson, étiqueté grand spécialiste des rôles de psychopathes depuis Vol Au Dessus D’un Nid De Coucou, qui livre ici une prestation de haute volée, loin des délires caricaturaux du Joker de Batman, dans le rôle d’un homme à la dérive et qui finit par perdre pied et basculer dans la démence meurtrière.
Il y a beaucoup de non-dit et non-expliqué dans le film, ce qui est bien entendu volontaire de la part de Kubrick, qui souhaitait laisser une large part à l’interprétation du spectateur quant aux étranges phénomènes qui se déroulent dans l’hôtel. Il y a d’ailleurs assez peu de dialogues dans le film si ce n’est ceux, imaginaire (?) de Jack avec Lloyd, le barman... et les longs plans dont Kubrick est coutumier (ainsi qu’une certaine lenteur) font merveille pour faire monter implacablement le suspense.
On ne saura donc jamais vraiment ce qu’il s’est passé à l’hôtel Overlook, entre simples hallucinations et délires d’un alcoolique dément, fantômes, phénomènes parapsychiques (le don du "shining" qui donne son titre au film) ou même paradoxes temporels, ce que laisserait entendre la dernière image du film...
Toutefois, pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin dans l’interprétation du film, toutefois, on recommendera l’étonnant film / documentaire Room 237, sorti en 2013, qui donne une lecture étonnante (voire très étonnante...) du film de Kubrick, entre images subliminales et théorie du complot !
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