Seul Sur Mars (The Martian)
L’équipage de la mission Arès 3 a installé un habitat sur Mars pour une durée de deux mois... jusqu’à ce qu’une tempête particulièrement violente les oblige à rentrer plus tôt que prévu, laissant l’un d’entre eux pour mort après avoir été entraîné par la tempête, son scaphandre dépressurisé. Mais contre toute attente, Mark Watney n’est pas mort. Ne pouvant espérer aucun secours puisque tout le monde le croit mort, Mark doit trouver le moyen de survivre jusqu’à la prochaine mission, dans trois ans, alors qu’il n’a des réserves que pour quelques mois. Par chance, la spécialité de Mark est la botanique et pendant qu’il tente d’organiser sa survie, la NASA finit par se rendre compte que certaines choses ont bougé sur la base et qu’il ne peut y avoir qu"une seule explication : Mark est vivant...
La SF "hard science" est un genre assez courant en littérature et ces dernières années, la colonisation de Mars a d’ailleurs pas mal inspiré des auteurs tels que Kim Stanley Robinson (avec sa trilogie, Mars La Rouge, Mars La Verte, Mars La Bleue), Ben Bova (avec ses deux romans Mars et Retour Sur Mars)... ou Andy Weir avec Seul Sur Mars (publié en 2011). Au cinéma en revanche, le courant "hard science" est peu représenté, car bien souvent considéré comme ennuyeux pour le grand public, peu intéressé par le contenu scientifique... Là était le défi que s’est imposé Ridley Scott, en plus de nous faire partager des "aventures" d’un Robinson Crusoé* sans son Vendredi, et ce sur une durée de près de 2h30 qui plus est !
Si un film de ce genre a pu voir le jour, c’est sans doute grâce au succès inattendu de Gravity, qui a probablement incité les producteurs à penser que la conquête de l’espace est redevenu un thème à la mode... Après tout, n’est-il pas question d’une émission de télé-réalité sur Mars** ? Mais s’il est réussi, c’est bien grâce au talent de Ridley Scott et à un scénario qui fait très peu de concessions à l’habituel formatage hollywoodien, auquel peu de réalisateurs parviennent à échapper. Et c’est tout ce qui fait la différence avec Gravity, qui était techniquement très réussi, dont le suspense fonctionnait parfaitement, mais dont les personnages étaient de véritables clichés sur pattes ! Dans Seul Sur Mars, le héros ne traîne aucun traumatisme lié à son passé et n’a aucune attache sur Terre. Il aurait pourtant été facile de lui inventer une épouse et des enfants aimants et rongés par l’angoisse, pour faire pleurer dans les chaumières, ou d’imaginer une histoire d’amour entre lui et une des membres de l’équipage ayant été obligé de l’abandonner... Mais Ridley Scott n’a pas cédé à ce genre de facilité et rien que pour cela il mériterait que les fans de SF lui élèvent une statue !
Du côté des effets spéciaux, on retrouve ce souci de réalisme sans fioritures. Il faut dire que depuis les photos envoyées par Curiosity, on sait à quoi s’en tenir sur les couleurs réelles des paysages martiens et les bons vieux filtres rouges ou oranges qui ont fait illusion jusqu’à Total Recall (quand même !) sont devenus quasi inutiles. Et vous ne verrez donc rien de plus impressionnant et spectaculaire que des véhicules conçus pour évoluer dans l’espace (ce qui est déjà pas mal, cela dit) décoller de Mars puis se diriger vers la Terre, ou l’inverse...
Mais le suspense est bien là et on s’identifie très vite à cet astronaute qui a finalement plus d’inventivité et de ténacité que de courage (même s’il en faut sans doute une bonne dose pour partir sur Mars), puisqu’il n’a pas d’autre choix pour survivre que de faire ce qu’il fait. Et pour cela, Matt Damon n’en rajoute pas et confirme (si cela était nécessaire après ses Jason Bourne) qu’il excelle dans la sobriété, avec son petit côté "guy next door"... jusqu’à finir dans un état proche de celui d’un SDF, après avoir passé de nombreux mois sans prendre une seule douche (mais, curieusement, pas amaigri, seul petit détail peu crédible ayant échappé à la vigilance du réalisateur). Et pendant ce temps, sur Terre, Jeff Daniels et Sean Bean font le job comme ils savent le faire, dans des rôles qui n’exigent pas de performance particulière.
Alors que manque-t-il pour que Seul Sur Mars fasse partie du "Best Of" de la SF ? Pas grand chose à vrai dire, si ce n’est peut-être son manque d’envergure. Car aussi bien réalisé que le film puisse être, il ne s’agit en fait que de l’histoire d’un homme perdu sur l’équivalent d’une île déserte...
* Le film Robinson Crusoé sur Mars, excellent pour l’époque (1964), n’a pas grand chose à voir avec Seul Sur Mars, puisque le héros y découvrait des aliens.
** Le project Mars One vise à envoyer vers 2022 24 candidats à un voyage sans retour sur Mars (après plusieurs expéditions visant à leur installer une base habitable). A moitié expérience scientifique et à moitié émission de télé-réalité, les 24 "élus" (dont l’espérance de vie moyenne se compterait sans doute en mois) seraient en permanence filmés pour des retransmissions sur notre bonne vieille planète...