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La Jetée

Chris Marker
mercredi 27 octobre 2010
par dr frankNfurter
popularité : 7%

Et si l’influence de la dite œuvre presque un demi-siècle après sa sortie est toujours d’actualité, son sujet et son traitement radical inspirant nombre de cinéastes par le passé et sans conteste à l’avenir d’autres cinéphiles futurs réalisateurs en herbe, on aurait tort une fois n’est pas coutume de ne pas ajouter à ce chef d’œuvre la mention culte, tant La Jetée fut une œuvre influente mais adressé à un public d’initié il n’y a pas encore si longtemps (1).

Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance. La scène qui le troubla par sa violence, et dont il ne devait comprendre que beaucoup plus tard la signification, eut lieu sur la grande Jetée d’Orly quelques années avant le début de la Troisième Guerre Mondiale. Un dimanche en famille, un soleil fixe, un décor planté au bout de la Jetée et un visage, celui d’une femme, voici le dernier souvenir de l’homme. Dernière image d’un temps de paix ayant traversé un temps de guerre. Puis un bruit soudain, un corps qui bascule... plus tard il comprit qu’il avait vu la mort d’un homme.

Destruction de Paris. Beaucoup de morts.

Les survivants, prisonniers et vainqueurs ou ceux qui croient l’être, vivent désormais dans les réseaux de souterrains de Chaillot. La surface de Paris et le reste du globe pourris par la radioactivité. Les vainqueurs mènent des expérimentations sur les prisonniers pour un résultat invariablement immuable, d’un côté les déçus, de l’autre les morts ou les fous.

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Un jour, l’homme est amené vers la salle d’expériences. La peur. Il rencontre le responsable lui expliquant sans passion que la race humaine est appelée à disparaitre. La seule survie passe par le temps et non l’espace. L’homme devient cobaye. Choisi entre mille pour sa capacité à fixer une image du passé, l’homme sera projeté dans le temps. Faire passer à travers un "trou" temporel, des vivres, des sources d’énergie, est le but avoué.

Au début, rien. Puis la souffrance. On continue. Au 10ème jour, des images du passé apparaissent. Au 16ème jour, la Jetée. Vient d’autres images d’un bonheur passé. Et la femme, celle de son souvenir. Au 30ème jour, la rencontre. Ils se parlent. Ils sont sans souvenir, sans projet...

Or quand bien même il serait restrictif de réduire la dense filmographie de Marker à cette seule Jetée si on en croit les propos même du cinéaste, celle-ci étant en marge tant au niveau de la forme que du fond, difficile de ne pas être encore cinquante ans après sa sortie impressionné par ce photo-roman (ou diaporama sonore), tant l’ambiance décharnée qui s’en dégage et son minimalisme marquent longtemps les esprits après son visionnage. Guidée par la voix "grave et légère" de Jean Négroni et par la musique de Trevor Duncan (2), ce court-métrage expérimental fait figure de référent en matière d’anticipation post-apocalyptique, le récit naviguant entre un morne présent à l’avenir bouché et misérable, "les vainqueurs montaient la garde sur un empire de rats", et un passé empreint de nostalgie, seul lieu probable pour une fugue temporelle et une possible histoire d’amour.

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Et si la référence au film de Terry Gilliam est un passage obligé, L’armée des douze singes s’inspirant sans détour du voyage temporel et du dénouement de La Jetée, on saluera le choix du réalisateur de Brazil d’avoir mise en scène un récit certes moins nostalgique que l’original mais néanmoins plus "subtil" dans son traitement, Gilliam laissant aux spectateurs le choix de découvrir la "cicatrice" du héros, la forme littéraire et photographique du diaporama de Marker ne permettant pas ce "choix", au risque de verser dans l’abstraction.

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Un court-métrage sorti en février 1962... soit quelques mois avant "la crise des missiles" qui faillit faire basculer le monde vers un apocalypse nucléaire.


(1) Le genre d’œuvre dont on connait le nom, dont on connait les films qui s’en inspirent ouvertement (ou non), mais qui restait encore "inédite" à nos yeux.

(2) Et les chœurs de la cathédrale St Alexandre Newsky.

Les éditions Kargo ont publié en 2008 une version de La Jetée en livre reprenant le texte cité et les photographies du court-métrage.



Commentaires  (fermé)

jeudi 28 octobre 2010 à 18h55

Enfin un article sur cet OVNI cinématographique présent sur les ME ! Voilà une très bonne chose de faite... Tanquiou ! ;-)

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