La Guerrière de Carpics
Dans un monde et à une époque où les femmes sont tout juste bonnes à être des épouses ou des maîtresses, Andénia, princesse de Carpics, sait ce qu’elle veut, persuadée que c’est sa destinée, même si cela lui est interdit : devenir une guerrière et combattre le roi de Mugra qui a déclaré la guerre à tous les royaumes de la terre de Bakia. Bien décidée à accomplir son destin, Andénia quitte Carpics pour partir à l’aventure et apprendre l’art du combat. Mais Andénia va peu à peu se rendre compte qu’elle est bien plus qu’une guerrière...
Il y a deux façons de voir ce roman. On peut partir du principe qu’il s’agit de fantasy et même d’heroic fantasy. Dans ce cas, on peut regretter qu’il n’en respecte pas les codes.
Cela commence avec un des éléments les plus caractéristiques du genre : la carte ! L’auteur ne l’a pas oubliée... mais malheureusement, elle l’a un peu baclée. Dessiner au hasard une sorte de puzzle en donnant un nom à chaque pièce, c’est un peu court et cela n’apporte rien. On aurait bien aimé avoir les noms des principales villes et pas seulement des royaumes, une indication des reliefs, des principaux cours d’eau, des lacs, éventuellement une côte, ce qui aurait ajouté une petite note de réalisme et aurait sans doute permis d’enrichir un peu le roman (les peuples des montagnes ne se comportent pas comme ceux des forêts, etc).
Ce manque d’approfondissement ne concerne malheureusement pas que la géographie. Un roman d’heroic fantasy vaut souvent par son "méchant", qui doit être aussi terrifiant et antipathique que possible, à l’image d’un Sauron ou d’un Torak. Ce n’est pas le cas, ici, du roi Vussac de Mugra, dont on ignore tout ou presque. On sait qu’il y a une guerre entre Mugra et les autres royaumes, mais on en ignore totalement les raisons. Et on pourrait en dire autant de la ou des religions , du ou des dieux de la terre de Bakia, qu’on aurait aimé mieux connaître.
Heureusement, on peut aussi trouver ennuyeux ce "formatage" de l’heroic fantasy et trouver rafraîchissant le fait qu’ Adeline Neetsonne ait choisi de s’en écarter. Oui, mais...
Quand on choisit de situer un roman dans un monde imaginaire plus ou moins médiéval, encore faut-il faire les efforts nécessaires, notamment au niveau du vocabulaire, pour que le lecteur puisse s’y immerger et les termes modernes sont donc à proscrire. De ce point de vue, je regrette que l’auteur utilise le mot "zombi" pour désigner les créatures qui constituent l’essentiel des armées du méchant de service. Le terme "mort-vivant" - ou n’importe quel mot de son invention, à la limite - aurait sans doute été mieux adapté que ce mot d’origine haïtienne...
C’est dommage car il y avait de bonnes idées dans ce roman, ce qui est d’ailleurs souvent le cas dans les romans d’Adeline Neetesonne, comme ce lien entre animaux et humains ( les lupistes notamment), comme aussi son choix d’un personnage en rebellion contre les moeurs de son époque et beaucoup d’autres choses encore... malheureusement un peu gâchées par certaines maladresses. Un exemple ? Les ailes d’Andénia. Une bonne idée, à la base... mais qui n’est malheureusement pas du tout exploitée ! A quoi servaient-elles ? Pourquoi leur usage s’est-il perdu ? On n’en saura jamais rien, hélas. Et leur utilité dans le roman est dangereusement proche de zéro...
Adeline Neetesonne en est à son 5ème roman. Il ne fait aucun doute qu’elle sait créer et raconter des histoires intéressantes, dans un style agréable et avec des personnages attachants. Mais après la SF et la fantastique, elle aborde avec sa Guerrière de Carpics encore un autre genre... Si j’osais me permettre un conseil, je lui recommanderais de faire un choix* et de s’y tenir, au moins pour un temps. Les écrivains qui ont réussi dans ces genres qu’on pourrait croire proches mais qui sont en fait considérablement différents se comptent sur les doigts d’une seule main**. Et c’est déjà suffisamment difficile de se faire un nom dans un genre donné...
Mais à à la vitesse à laquelle elle écrit (son 6ème roman en est déjà au stade des corrections), elle n’a sans doute pas le temps de réfléchir à des questions de ce genre
* Ce n’est évidemment pas un argument valable pour un artiste... mais n’en étant pas un, je peux le dire : aujourd’hui, il faut savoir que depuis quelques années déjà, 80% des ventes de littérature de l’imaginaire, se font sur la fantasy.
** Même Stephen King, pour lequel j’ai une admiration sans bornes, a mis très longtemps avant d’écrire un roman de SF valable, de mon point de vue. Et je n’ai jamais "accroché" avec son cycle de la Tour Sombre, qui se veut de la fantasy...
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