L’Ecorcheur ( The Skinner )
Au sein du Polity, la planète Spatterjay occupe une place à part. Car on y trouve un virus unique dans l’univers connu, capable de rendre n’importe qui quasiment immortel, mais avec quelques effets secondaires pas si secondaires que ça... On y trouve aussi une faune particulièrement hostile et féroce, à laquelle il est presque impossible d’échapper. C’est la raison pour laquelle le Gardien, l’Intelligence Artificielle qui veille sur le Polity, a plus ou moins isolé la planète du reste de l’univers. Pourtant, trois étranges personnages débarquent sur Spatterjay. L’un d’entre eux est relié à un esprit de ruche du guêpes, l’autre espèce intelligente issue de la Terre. L’autre est une femme qui semble tout savoir de la planète. Et le troisième, Keech, est un flic mort il y a 700 ans et maintenu en "vie" par la technologie de la réification. Et Keech est venu dans un but bien précis : retrouver l’Ecorcheur, un humain transformé en une créature terrifiante et dont il veut se venger...
Peu connu en France, Neal Asher est l’auteur d’une quinzaine de romans se situant dans l’univers du Polity, une civilisation interplanétaire de son invention, dans lequel on trouve des éléments aussi divers que des IA et des "sous-esprits" de ces IA, sortes de robots dotés d’une certaine autonomie, des extra-terrestres aux moeurs particulièrement écoeurantes, des guêpes intelligentes dirigées par un esprit de ruche, des morts ressuscités grâce à la technique de la "réification" et même des voyages dans le temps (mais pas dans le roman dont il est question ici) !
Mais ce n’est pas tout. Car sur Spatterjay, la planète sur laquelle se déroule le roman, vivent quelques formes de vie particulièrement étonnantes ! A commencer par ces créatures intelligentes (et même dotées de la parole) qui servent de voile aux navires, mais aussi et surtout ces affreuses sangsues géantes qui, paradoxalement, inoculent à leurs victimes un virus qui les rend quasi immortels.
Car quelques temps après avoir été infecté par ce virus, les "victimes" cicatrisent si vite que même une amputation ne constitue pour elles qu’un gêne temporaire. Il suffit d’ailleurs de remettre le membre amputé en contact avec le moignon et la guérison se fait quasiment instantanément ! Cela présente quelques avantages... mais aussi quelques inconvénients. Une personne infectée par ce virus peut ainsi trouver, parfois accidentellement, une mort particulièrement lente et atroce, sur des jours, des semaines, des mois ou des années. Et ce n’est pas toujours accidentel, car les infectés peuvent supporter des tortures invraisemblables, sans jamais y succomber... De plus, lorsqu’ils restent trop longtemps sans nourriture traditionnelle, le virus les transforme pour les adapter et optimiser leur survie.
C’est ainsi que l’écorcheur, coupable des pires crimes et des pires tortures, est parvenu à survivre, même après que sa tête ait été détachée de son corps...
Une chose est certaine, Neal Asher ne manque pas d’imagination. Et à coup sûr, Spatterjay est une des pires planètes jamais nées de l’esprit d’un écrivain de SF, reléguant la Dosadi de Frank Herbert au rang d’aimable plaisanterie ! On en vient même à regretter qu’il ne parvienne pas à mieux décrire les créatures qu’il a imaginées. Pour les sangsues géantes et les mollys, passe encore puisqu’on peut les visualiser sans difficultés par analogie avec leur équivalent terrien bien réel... mais pour les autres, c’est beaucoup moins évident !
Heureusement, c’est la seule lacune qu’on puisse déceler chez cet auteur, par ailleurs très doué pour imaginer les pires horreurs pour ses personnages, ainsi que pour l’action dans la grande tradition des space opéras. Et même s’il n’est pas aisé, même pour un lecteur de SF averti, d’entrer et de s’immerger dans son univers, le jeu en vaut la chandellle. Car après avoir lu L’Ecorcheur, il y a de grandes chances que vous ayez très envie d’en savoir plus sur le Polity, son histoire et ses planètes ! Malheureusement, vous n’en rouverez que deux autres traduits en français (du moins au moment où cette chronique est écrite) : Drone et Voyageurs. Mais c’est déjà mieux que rien...