Twixt
Hal Baltimore est un écrivain spécialisé dans les romans d’horreur et plus particulièrement de sorcières, une sorte de Stephen King au rabais, comme le décrit un des personnages du film ! De passage dans un trou paumé de l’amérique profonde pour une séance de dédicaces, il est abordé par le Sheriff Bobby LaGrange qui lui propose sa collaboration pour écrire une histoire inspirée d’un meurtre qui vient d’être commis, celui d’une jeune fille retrouvée assassinée avec un pieu dans le coeur... L’écrivain, qui souhaite passer à autre chose, accepte la proposition, décide de passer quelques jours en ville et commence à travailler sur ce nouveau roman... en vain, car Hal Baltimore est dépressif et alcoolique depuis la mort de sa fille et l’inspiration ne vient pas. Mais des rêves s’imposent à lui, dans lesquels il va rencontre une jeune fille prénommée V ainsi qu’Edgar Allan Poe, qui vont lui permettre de résoudre peu à peu le mystère du meurtre de la jeune fille et d’écrire son roman...
On se doutait bien que Twixt (qui signifie "entre deux", se référant au rêve et à la réalité), scénarisé, réalisé et produit par Coppola, serait un film qu’on peut qualifier de personnel. Il l’est même bien plus qu’on pouvait l’imaginer... car non seulement il traite des affres de la création artistique, mais aussi de la culpabilité que peut ressentir un père après la mort d’un enfant. Hal Baltimore, on ne peut en douter, EST Francis Ford Coppola, qui raconte avoir eu l’idée du scénario du film dans un de ses propres rêves, après avoir pris une cuite au raki, célèbre alcool turc ! Et surtout, le personnage du film a lui aussi perdu sa fille dans un tragique accident qui est la réplique exacte de celui du fils de Coppola...
S’il n’y avait pas cette part autobiographique, on aurait l’impression d’être dans un film inspiré d’un roman de Stephen King, tant on y retrouve les thèmes chers au maître de l’horreur : un écrivain torturé en proie au doute et à la recherche de l’inspiration, une petite bourgade américaine avec son sheriff, son prêtre, ses (supposés) délinquants et ses secrets, une enquête qui sera résolue par l’irruption de phénomènes à la frontière du paranormal...
Mais Coppola y ajoute des éléments bien à lui, avec notamment une esthétique très gothique (à l’image de ce qu’il avait pu réaliser à ses débuts en travaillant avec Roger Corman, mais aussi dans son fameux Dracula) et le rôle important joué par Edgar Allan Poe (qui est supposé avoir séjourné dans la petite ville où se déroule le film), écrivain qui lui aussi avait perdu un être cher et auquel le film fait de nombreuses références : le beffroi, la jeune fille prénommée V (sa femme de Poe s’appelait Virginia), les noms de Baltimore (lieu de naissance de Poe) et Whitman (nom de celle qui a failli devenir sa seconde femme), le poème de Baudelaire (qui le premier a traduit Poe en français)... et il y en a sans doute bien d’autres !
Voilà pour le fond. Sur la forme, Twixt s’avère plutôt réussi et on ne ressent à aucun moment un quelconque manque de budget, même si le film a paraît-il été réalisé de manière plutôt artisanale, avec une équipe réduite et en allant même jusqu’à utiliser comme décor la bibliothèque du réalisateur ! On peut en revanche s’interroger sur l’intérêt des deux courtes scènes réalisées en 3D, et même si la justification du réalisateur est plutôt habile*, n’aurait-il pas été plus simple de rester en 2D traditionnelle ?
Les fans du réalisateur du Parrain et d’Apocalypse Now seront peut être déroutés par ce mélange des genres, entre bricolage et nouvelles technologies, avec du fantastique qui n’en est pas vraiment (puisqu’il ne s’agit que de l’imaginaire du personnage principal... à moins que ?), par une relative sobriété de la réalisation qui contraste avec un côté gothique parfois à la limite de l’excessif... Mais les autres découvriront un film original, qui ne ressemble à aucun autre, avec un trio d’acteurs (Val Kilmer, Bruce Dern et Elle Fanning, qui était la petite Daisy dans L’Etrange Histoire de Benjamin Button et plus récemment Alice dans Super 8) épatant.
Bravo donc à Francis Ford Coppola pour savoir encore, à 73 ans, se mettre en danger avec un film à 7 millions de dollars qui ne fera sans doute pas l’unanimité !
* dans un débat ayant suivi l’avant-première à Paris, Coppola expliquait que, portant déjà des lunettes, rajouter des lunettes 3D est pénible pour lui et qu’il s’’est ainsi rendu compte, lorsqu’il a vu Avatar, qu’il lui suffisait de mettre les lunettes lors des moments importants et spectaculaires, la 3D n’apportant rien aux autres scènes. Il fait également référence au Napoléon d’Abel Gance, à l’époque projeté sur 3 écrans avec 3 pellicules différentes, en rappelant que la majeure partie du film était projetée sur l’écran central, les écrans latéraux n’étant utilisés qu’à certains moments.
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