A.I. Intelligence Artificielle (A.I. Artificial Intelligence)
Pour tenter de reponter le moral de sa femme, au bord de la dépression depuis que leur fils est tombé dans le coma, Henry Swinton fait l’acquisition du tout dernier modèle de "méca" : David, un androïde qui est la réplique exacte d’un enfant d’une dizaine d’années, est le premier modèle programmé pour vouer un amour sans bornes à celui de ses parents qui posera son "empreinte" sur lui. Tout se passe bien jusqu’au jour où Martin, le "vrai" fils des Swinton, sort du coma. Jaloux de Martin, David devient dangereux. Ses parents décident alors de le ramener chez le fabricant, où il doit être détruit. Mais sa mère, ne pouvant s’y résoudre, le laisse dans une forêt. Commence alors, pour David, une très longue et impossible quête : devenir un véritable petit garçon pour enfin gagner l’amour de sa mère...
Conte ? Fable ? A.I. n’est certainement un film de SF ordinaire... c’est même le genre de film qu’il est recommandé de voir deux fois, tant on risque de se dire, la première fois, que Spielberg avait fumé un peu trop de moquette en le réalisant !
L’histoire de cet androïde programmé pour aimer, s’étalant sur plus de 2000 ans, sur fond de réchauffement climatique entraînant finalement une période de glaciation et la disparition de la race humaine, redécouverte par des extra-terrestres susceptibles de faire revivre momentanément, par clonage, certains individus pas trop mal conservés, à de quoi laisser rêveur. Et c’est vrai que présenté ainsi, le "pitch" du film ne donne pas forcément envie...
Mais il faut voir A.I. comme ce que Spielberg a voulu en faire : un conte philisophique qui soulève de nombreuses questions et un hommage à Stanley Kubrik.
Cet hommage, Spielberg le rend non seulement en portant à l’écran le projet du réalisateur hélas disparu avant d’avoir pu le mener à bien, mais aussi en adoptant son style, notamment au travers d’un rythme assez lent et d’images particulièrement "léchées" que le réalisateur de 2001 L’Odyssée de L’Espace n’aurait sans doute pas reniées.
Quant au contenu, il évoque au travers d’une version ultra-moderne de Pinocchio des questions qu’on sera peut être amenés à se poser un jour quant aux limites à ne pas dépasser en matière de programmation des IA. A partir de quel moment une intelligence artificielle peut-elle être considérée comme vivante, voire comme humaine ? Quels seraient alors ses droits ? Pourrait-elle être considérée comme un simple produit commercial ? A-t-on le droit, d’un point de vue moral, de programmer des émotions, de doter une IA d’une véritable conscience ?
La grande force du film de Spielberg est précisément de ne pas tenter de répondre à ces questions, en jouant sur l’ambigüité entre l’homme et la machine. Certes, le jeune David semble posséder certaines émotions et réactions humaines... mais après tout, n’est-ce pas simplement la manifestation de sa programmation ? Car s’il réagit tout d’abord de manière très violente lorsque sa mère l’abandonne, il tourne la page tout aussi vite, se tournant vers une nouvelle quête (la fée bleue) avec une obstination et une patience inhumaines !
Mais chassez le naturel et il revient au galop : Spielberg, avec un tel sujet, ne pouvait évidemment pas s’empêcher de faire pleurer dans les chaumières et on peut regretter le côté un peu trop mélodramatique du film, parfaitement servi par l’interprétation du jeune Haley Joel Osment (devenu célèbre deux ans avant avec Sixième Sens). On peut penser que Kubrik ne serait pas tombé dans ce travers...
Avec le mélo de Spielberg et les longueurs de Kubrik, le film n’est donc pas exempt de défauts. On pourrait même le qualifier de pompeux. Certes c’est aussi ce qui fait une partie de son charme et ce qui le rend unique. Mais on ne peut s’empêcher de penser que sur des thématiques très voisines, un film tel que l’Homme Bicentenaire faisait passer les mêmes messages avec davantage d’humour et de légèreté. Et Eva en faisait tout autant avec beaucoup moins de moyens mais beaucoup plus de subtilité.
Qu’importe... Les images sont superbes, les acteurs irréprochables, les effets spéciaux parfaits, le scénario intelligent et plein de surprises et tout cela nous emmène loin, très loin... un peu trop, peut être, mais après tout n’est-ce pas ce qu’on attend d’un film de SF ?