Le Festin Nu ( The Naked Lunch )
William Lee, ancien drogué et écrivain, est devenu exterminateur d’insectes. Sa femme Joan, elle, utilise la poudre insecticide pour se droguer. Un jour, William est contacté par un insecte géant qui lui révèle qu’il est un agent, prétend être son supérieur et lui donne la mission de tuer sa femme. De retour chez lui, il surprend sa femme avec deux de ses amis et la tue accidentellement, en jouant à Guillaume Tell avec un revolver. En fuite, il se réfugie dans l’interzone, où toutes les machines à écrire semblent vivantes et où il goûte à l’homosexualité. Croyant être victime d’hallucinations à cause de la poudre insecticide, il prend une autre drogue, censée contrer les effets de la première et extraite corps d’insectes, les centipèdes...
Vous l’aurez compris en lisant la (vaine) tentative de résumer le film ci-dessus, que le scénario du Festin Nu n’est pas vraiment ordinaire... Tiré d’un roman de William S. Burroughs* réputé inadaptable, il nous offre des plongées à répétition dans des mauvais trips où se mèlent réalité et illusion, intrigue policière, élements fantastiques, fantasmes sexuels et angoisses de l’écrivain.
Face à "ça", il y a deux attitudes possibles : soit voir et revoir le film, après avoir lu le roman entre deux, pour tenter de tout analyser et interpréter... bon courage, même si l’exercice s’avèrera peut être intellectuellement enrichissant. Soit le voir pour ce qu’il est, sans tenter nécessairement de tout rationaliser.
Ce qui est certain, c’est que s’il y avait un cinéaste qui pouvait relever le défi d’adapter ce roman réputé inadaptable, c’est bien Cronenberg ! On peut même penser que les deux étaient faits pour se rencontrer. Ceux qui connaissent bien ce réalisateur se souviennent de Videodrome et d’eXistenZ et de manière plus générale de cette étrange obsession de Cronenberg pour les rapports entre le technologique et l’organique, mais aussi entre le réel et l’illusion, un peu à la manière de Philip K. Dick. Et puisqu’il est question de Dick, comment ne pas citer le film A Sanner Darkly, inspiré du roman Substance Mort, qui présente de nombreux points communs sur la forme comme sur le fond avec Le Festin Nu ?
L’avantage de la drogue dans un film tel que celui-ci, c’est qu’elle peut justifier à peu près tout et n’importe quoi, que ce soit au niveau du scénario ou des images. L’inconvénient, c’est que le réalisateur qui abuse de cette relative facilité risque de perdre le spectateur en route, dérouté par l’irrationnel, par l’absence d’une trame facilement compréhensible, surtout à une époque où Hollywood nous abreuve et nous assomme de produits cinématographiques formatés.
Avec Le Festin Nu, la perte de repères est totale. Mais curieusement, on peut se laisser porter par cette intrigue totalement imprévisible, par cettte ambiance lourdement chargée de sexualité, explicite ou symbolique, par ce casting brillant (Peter Weller, Ian Holm, Julian Sands, Roy Scheider), par ce dépaysement (le film semble se dérouler pendant les années 50 dans un pays oriental), par une bande originale très particulière...
Malheureusement, on ne peut que rester indifférent à ce personnage qui n’ a rien de sympathique et semble lui-même détaché de tout (comme beaucoup de camés, sans doute). On regarde donc Le Festin Nu avec une certaine curiosité (malsaine ?), mais aussi une distance certaine... et donc sans passion, hélas. C’est un peu la limite de ce genre d’exercice.
* qui était lui-même drogué et a tué accidentellement sa femme dans des circonstances identiques à celles du film...
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