Black Mirror
Un premier ministre victime d’un chantage ignoble et hyper-médiatisé... la télé-réalité poussée à l’extrême dans une société où les défavorisés sont tous réduits à être candidats à des castings... des implants mémoriels qui permettent de revivre encore et encore n’importe quel souvenir... les réseaux sociaux utilisés pour reconstituer la personnalité d’un défunt...un système judiciaire qui a inventé une forme de peine aussi originale qu’atroce... un personnage en image de synthèse qui menace les candidats à une élection dans un système corrompu... Voilà un très bref résumé des 6 épisodes constituant les deux premières saisons de la série.
Si vous avez parfois l’impression que vos neurones végètent en regardant une série, voilà de quoi les réveiller.
On le sait, un rôle non négligeable de la SF consiste, pour les auteurs, à tirer les sonnettes d’alarme en montrant ce qui nous pend au nez si on y prend pas garde. Aldous Huxley avec son Meilleurs Des Mondes, Orwell avec son 1984 ne sont que deux exemples parmi tant d’autres, témoins d’une époque où la dictature semblait constituer une menace. On pourrait également citer Bienvenue à Gattaca, qui a tenté de nous prévenir des dangers des manipulations génétiques et de l’eugénisme ou encore Time Out, qui poussait à l’extrême la logique du libéralisme économique. Et il y en a des dizaines, des centaines d’autres, au cinéma comme en littérature, qui ont tenté de nous avertir de certaines menaces, au travers d’un genre souvent qualifié d’"anticipation".
Personne n’était toutefois allé aussi loin que les auteurs de Black Mirror. Aussi loi, c’est à dire aussi près ! Car ce qu’il y a de terrifiant dans cette série, c’est que tout ce qu’elle nous montre, ou presque, pourrait nous arriver demain. Même pas après-demain... demain !
Evidemment, il est beaucoup question de numérique et de médias, puisque dans le monde dans lequel nous vivons, ce sont sont deux des domaines qui évoluent le plus rapidement... pour le meilleur ou pour le pire. Certains pourraient croire que les auteurs poussent le bouchon un peu loin, par exemple en imaginant qu’on pourrait reconstituer la personnalité d’un défunt à partir des traces qu’il a pu laisser sur les réseaux sociaux. Mais ceux qui s’intéressent à ces domaines et savent, par exemple, que certaines sociétés américaines accordent ou refusent des crédits uniquement sur la base des informations collectées sur internet, ne seront pas si étonnés que ça par cette idée.
Parfois, c’est vrai, un épisode s’égare et va davantage vers la SF classique, comme celui dans lequel des implants permettent d’enregistrer touts les moments de notre vie et de se les repasser à volonté. Cela viendra peut-être, sans doute même, mais cela prendra sans doute encore quelques années. Mais dans tous les cas, la grande force de la série est d’explorer, avec des scénarios particulièrement intelligents, les différentes facettes, les différentes implications de ces futurs possibles sur notre vie quotidienne. Comme avec cette scène glaçante dans lequel un couple fait l’amour, alors que chacun se repasse des souvenirs qui n’ont sans doute pas grand chose à voir avec leur vie commune...
Mais comme il s’agit de notre vie quotidienne et d’un futur qu’on a bien du mal à distinguer de notre présent, on ne peut s’empècher de s’identifier aux personnages, de s’impliquer et donc de se poser des questions. Est-ce bien ce futur là dont nous avons envie, pour nous-m^^emes et nos enfants ? Comment peut-on l’éviter ? Peut-on encore faire machine arrière ?
Pas de doute, la série trouble, perturbe, dérange. On ne ressort pas indemne après avoir avoir vu un de ses épisodes... qui se terminent rarement bien ! Et à la différence des innombrables épisodes d’innombrables séries, on ne les oublie pas. Evidemment, ils sont d’une qualité inégale et il est presque impossible de dire que l’un d’eux est supérieur aux autres, tant il font appel à des mécanismes très personnels et meme intimes. Vous pourrez etre bouleversé(e) par un épisode et pas par un autre, alors que cela pourra etre l’inverse pour un de vos proches... Mais il serait étonnant qu’un épisode vous laisse totalement indifférent(e) !
Malheureusement, il y en a peu, trop peu... trois pour la première saison diffusée en 2011, puis trois autres pour la deuxième en 2013. Un épisode de Noël en 2014, avant que la série soit reprise par Netflix pour une troisième saison de... six épisodes fin 2016, qu’on attend avec impatience !